Grand maître canadien, l’artiste peintre Pierre Gauvreau est né à Montréal en 1922 (décès en 2011). Pierre Gauvreau étudie à l’École des beaux-arts de Montréal après avoir fait le cycle des Lettres au Collège Sainte-Marie. Il est un peintre automatiste. Paul-Émile Borduas écrit de lui dans les Indiscrétions (hiver 1947-1948) : « Pierre le peintre-né. La peinture révolutionnaire la plus sereine qui soit. Aurore ou soleil couchant […]. » Tenter de définir la peinture de Pierre Gauvreau est impossible considérant l’ampleur et la vaste étendue de sa création. Plusieurs périodes ont ponctué ses recherches. Signataire du Refus global (tout comme, entre autres, son frère Claude – fondamental poète et dramaturge), Pierre Gauvreau est demeuré fidèle à l’esprit du surréalisme toute sa vie. Peintre abstrait ? Les étiquettes ne collent pas à son actif créatif.
Un peintre aux multiples talents
Après l’aventure automatiste, il entre à la Société Radio-Canada où il deviendra l’un des plus importants réalisateurs. À partir du début des années 1950, on voit moins le peintre, même s’il ne délaisse pas pour autant la pratique picturale. Il fait d’ailleurs un retour remarqué en 1975 avec une exposition composée d’œuvres récentes qui renouvellent son langage, et ce, sans avoir pour autant perdu l’essence de l’automatiste et l’esprit du surréaliste. De plus, l’exposition est bonifiée par ses autres activités professionnelles et créatrices à Radio-Canada et à l’Office national du film du Canada. Son apport à notre société est vaste. Peintre, scénariste, réalisateur, auteur, cinéaste… Son langage et son approche auront marqué le Québec dans toutes ses pratiques
« Un grand parmi les grands ! » Robert Bernier
« La peinture de Pierre Gauvreau, qu’elle soit d’aujourd’hui ou de demain, est et sera toujours un acte de lucidité et de conviction. » Robert Bernier
De 1960 à 1975, il délaisse la peinture. En 1976, il reprend les pinceaux et il poursuit sans relâche son exploration plastique. Dans sa plus récente production, Pierre Gauvreau a recours aux caches et à l’aérosol, ce qui confère à ses œuvres un caractère brut, exempt d’artifices.
«La peinture de Pierre Gauvreau, qu’elle soit d’aujourd’hui ou de demain, est et sera toujours un acte de lucidité et de conviction. » Robert Bernier
Artiste peintre québécois, les œuvres d’art de Pierre Gauvreau se trouvent dans plusieurs importantes collections privées, publiques et corporatives. D’octobre 2013 à septembre 2014, une exposition majeure organisée par le Musée de la civilisation à Québec a rendu hommage à Pierre Gauvreau et son univers « Pierre Gauvreau. J’espérais vous voir ici ».
Pierre Gauvreau (1922-2011)
Pierre Gauvreau est bien connu du grand public comme l’auteur des téléromans Le temps d’une paix, Cormoran et Le volcan tranquille. Plusieurs savent qu’il peint, mais trop peu de gens connaisse son importance réelle comme artiste. L’ensemble de son œuvre le range en effet parmi les peintres les plus déterminants des soixante dernières années. Bien sûr, Gauvreau fut des automatistes. Il signa Refus global, et déjà, dans les années 1940, il comptait parmi les beaux espoirs de notre peinture. Toutefois, le poids de cet artiste incontournable dépasse largement le champ sinon restreint, du moins restrictif de l’idée que l’on pourrait s’en faire. Car sa peinture a su vivre au-delà de l’histoire.
Depuis 1976, année où il reprend les pinceaux après avoir temporairement interrompu sa création picturale, il poursuit sans relâche son exploration plastique, et ce, avec une étonnante vitalité, menant son expression à un renouvellement constant tout en s’inscrivant dans la continuité de ses actions créatives antérieures. De fait, si nous faisons généralement une distinction marquée entre le Gauvreau réalisateur, et le Gauvreau peintre, le premier intéressé, lui, voit dans ses différentes activités un tout indissociable, chacune étant complémentaire et essentielle à son propos et au regard qu’il porte sur son environnement, sur la société, bref, sur la vie. Cependant, pour le public en général, il n’est pas toujours aisé de tisser des liens entre ces différentes activités. Comment, dans la pratique, le peintre, le réalisateur et l’auteur se complètent-ils ? Comment la peinture de Gauvreau en bénéficie-t-elle ?
La corrélation entre le réalisateur et le peintre semble se manifester par le fait que Gauvreau, habitué à travailler en régie, à la télévision, avec une panoplie de moniteurs, construit son espace pictural par séquences. Son extraordinaire capacité à établir des liens se traduit dans sa peinture par sa manière singulière de faire correspondre toutes les parties de l’œuvre tout en instaurant une modulation du rythme. En effet, les tableaux de Gauvreau apparaissent comme un amalgame de formes et de traitements qui, de prime abord, ont peu en commun. Pourtant, il réussit à créer des interrelations fascinantes entre les différentes zones. Abstraites, les œuvres racontent davantage qu’elles semblent le faire, bien qu’on ne saurait les qualifier de narratives. Voilà une partie de son génie : créer des espaces dynamiques dans lesquels de multiples correspondance se croisent en édifiant un univers autonome animé d’une vie propre, sans que l’on puisse pour autant décrire, nommer ou raconter l’action, et sans réelle relation avec la réalité physique.
On pourrait même parler, pour certains tableaux, de « narration objective », puisque l’histoire qui est relatée est essentiellement pictural. D’autres obéissent à une gestuelle rapide, intuitive, presque sauvage qui rappelle – tout en s’en distinguant – son aventure automatiste, la transcription spontanée de l’être, à la différence qu’aujourd’hui s’ajoutent à cette dimension une réflexion de longue haleine, des zones de pondération qui étoffent davantage son propos plastique ; un croisement entre les préoccupations des plasticiens, l’esprit automatiste et la rigueur de sa pratique. Et cette rigueur devient un élément fondamental de sa création en ce qu’elle agit comme modérateur. Il a déjà été dit ou écrit que Pierre Gauvreau est un créateur à maturation lente. Il est vrai que l’artiste aime prendre le temps nécessaire pour créer, et que le processus dans lequel il s’engage exige parfois beaucoup de patience. Mais voilà, la pulsion initiale est plutôt foudroyante chez lui, et c’est l’ordonnance de cette pulsion qui requiert du temps. Quand le feu est bien attisé, la production explose !
Dans sa plus récente production. Gauvreau a recours aux caches et à l’aérosol, ce qui confère à ses œuvres un caractère brut, exempt d’artifices.
Cependant, même si le fait de changer de médium entraîne inévitablement une modification de la facture, les assises de son œuvre demeurent jusqu’à maintenant inchangées : rigueur et faculté remarquable d’édifier des liens toujours surprenants. En somme aujourd’hui comme hier, Pierre Gauvreau agit à la manière d’un grand transformateur. Sa peinture est vivante non seulement parce qu’elle évolue, se transforme, mais aussi parce que chaque tableau qui compose son œuvre est un territoire dans lequel s’exprime la transmutation. La modulation zonale qui caractérise son langage porte en elle l’idée de passage d’un état à un autre ; les séquences en sont le véhicule, sa pensée et sa philosophie de la vie, le moteur.
Source : Robert Bernier, La peinture au Québec depuis les années 1960, Les Éditions de l’Homme, 2002, Gauvreau Pierre Gauvreau (1922), pages 27-29.